Le bonheur selon Thibault Delaporte
J’accueille aujourd’hui le premier homme entrepreneur sur Le Bonheur à La Loupe. Fondateur de Monsieur Teresa, Thibault a cassé tous les codes imposés par la société. Il confectionne et vend des accessoires de mode. Armé de sa machine à coudre, il coud donc, brode des nœuds papillon, des chouchous, mais aussi des accessoires pour bébé. En créant une entreprise à son image, il a trouvé le moyen de stimuler sa créativité tout en étant aligné à ses convictions. Parce que oui, Monsieur Teresa est une entreprise basée sur les valeurs de son créateur.
En privilégiant le circuit court et en fabriquant ses produits de A à Z, Thibault a pour objectif d’apporter un message positif et de respecter ses valeurs éthiques. Ce touche-à-tout nous fait le plaisir de nous raconter son histoire, mais également de partager sa vision du bonheur. C’est tout en simplicité que nous avons parlé entrepreneuriat, industrie du textile, karma et paternité. Un moment de partage qui s’avère encore une fois riche d’apprentissages et de bienveillance !
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Thibault Delaporte et j’ai bientôt 29 ans. Je suis jeune papa et entrepreneur. J’ai créé, il y a 5 ans, une société d’achat, de confection et de vente de produits textiles.
Est-ce que tu me parler un peu de cette entreprise ?
Pour raconter l’histoire de Monsieur Teresa, je dois commencer par parler de mes études de médecine que j’ai commencé, probablement pour de mauvaises raisons, à l’âge de 18 ans. Après avoir réussi ma 1re année, j’ai tout naturellement continué pendant 4 ans. J’ai très vite été passionné par l’apprentissage du corps humain, de la physiologie et des pathologies. J’ai aussi rapidement réalisé la place importante que je devais accorder à mes études si je voulais faire partie des meilleurs. Je n’étais pas prêt à faire ce sacrifice. J’ai toujours été un touche-à-tout. Je ne sais pas mettre mon énergie dans une seule activité. Un choix essentiel s’est alors imposé à moi : continuer ou arrêter mes études de médecine. Pour ce faire, il a fallu que je découvre qui j’étais et ce que je désirais. J’ai ainsi décidé de partir pendant 9 mois en sac à dos. C’est de cette façon que j’ai atterri en Amérique, à dormir chez l’habitant.
Mon but était simple, je voulais aller à la rencontre d’autres personnes, de nouvelles cultures. J’étais désireux de découvrir un mode de vie différent de celui que je connaissais depuis toujours.

C’est en rentrant de ce voyage, complètement transformé, que je me suis engagé dans la voie entrepreneuriale. C’est finalement le chemin qui me correspond le mieux. Je peux ainsi exprimer mes passions artistiques, toucher à tout et continuer à apprendre des choses tout en travaillant. J’ai donc investi trois sous dans la création d’une société. Et je me suis lancé ! J’ai commencé à imprimer des visuels que je peignais moi-même sur des tee-shirts. C’était une excellente activité pour démarrer. Les fournisseurs de tee-shirts sont nombreux et la recherche de clients s’est avérée plutôt facile.
Mais je me suis senti très vite limité dans ma créativité et j’avais besoin de respecter mes valeurs éthiques ; ce qui peut être compliqué dans l’industrie du textile. Puisque mon but était de diffuser une image positive, j’ai réorienté mon entreprise. Et c’est de cette manière que j’ai opté pour la confection d’accessoires de mode. En fabriquant mes produits du début à la fin, je me sens beaucoup plus aligné à mes valeurs éthiques.
Pourquoi avoir appelé ton entreprise Monsieur Teresa ?
Mon entreprise de confection de tee-shirt s’appelait Teresa. Ce nom a été une évidence pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je cherchais un prénom féminin qui débute par la lettre T. Je voulais qu’il fasse vieillot et à la fois hipster. Lorsque j’ai commencé à réfléchir à ce projet, j’étais au Brésil. Là-bas, c’est un prénom très courant. Je le trouve très coloré et il suscite l’intérêt !

Ce nom a aussi une autre interprétation que je ne mets pas avant publiquement. C’est également un petit clin d’œil à mes croyances religieuses. Sainte-Thérèse (ou Sainte Thérèse de Lisieux) est la sainte patronne des missionnaires donc de ceux qui véhiculent un message positif ; ce qui s’inscrit parfaitement dans la charte de Monsieur Teresa !
Aujourd’hui Monsieur Teresa correspond à ta vision éthique ?
Aujourd’hui oui, il y a 4 ans, non !
Pourquoi ? Qu’est-ce qui a changé ?
Le textile apparaît comme le deuxième secteur le plus polluant au monde. C’est aussi le secteur le moins transparent et qui comporte un nombre ahurissant de lobbys. Je me suis toujours insurgé contre le mensonge du made in France. Prenons l’exemple du tee-shirt blanc acheté en Inde ou en Chine pour un dollar. À ce tarif s’ajoute la somme de deux euros qui correspond à la pose d’un logo, d’un écusson ou d’une étiquette en France.
Puisque les deux tiers du coût de revient provient d’une étape de production réalisée en France, le tee-shirt est étiqueté made in France.
Je trouve ce système hypocrite, mais la loi est faite comme ça : on a le droit de labéliser un produit made in France alors que la seule chose faite localement est la pose d’un écusson. À ce manque de transparence s’ajoutent aussi les conditions de fabrication du tee-shirt qui sont très loin d’être éthiques.

Finalement, tous les labels comme coton biologique, OEKO-TEX sont concernés. Il n’y a aucune transparence. Pourquoi les visites d’usine sont-elles interdites ? Je pense qu’il est légitime de se poser des questions sur les conditions de travail et de fabrication de ces industries.
Si un textile labélisé bio est produit par un enfant de 12 ans, peut-on encore le considérer comme étant bio et éthique ?
Heureusement, il existe des entreprises qui essaient de changer la donne, comme Le Slip Français. Pour parvenir au niveau de cette compagnie, il faut une bonne connaissance marketing ; ce que je n’avais pas lorsque j’ai commencé la confection de tee-shirts. Je ne voulais pas non plus que toute mon entreprise tourne autour de son image de marque. Le fondement de Monsieur Teresa réside dans la production sur commande. Je ne peux pas être plus transparent que ce que je suis déjà. Au-delà du made in France qui, comme tu l’as compris ne veut pas dire grand-chose, Monsieur Teresa est made by Thibault Delaporte à Toulouse.
J’ai réalisé que la seule façon pour moi d’être en accord avec mes valeurs était de maîtriser les différentes étapes de production.
Est-ce que le choix de l’entrepreneuriat t’a demandé de sortir de ta zone de confort ?
Ça m’a complètement fait sortir des cases ! Grâce à mes études de médecine, j’étais prédestiné à exercer l’un des métiers les plus prestigieux. Il est évident qu’arrêter cette voie pour vendre des tee-shirts m’a fait redescendre de l’échelle sociale ! Je n’ai pas pris cette décision à la légère. C’est un sacré renoncement en termes de salaire, de qualité de vie et de sécurité financière. Mais j’ai confiance en ce que je suis et finalement l’entrepreneuriat s’inscrit dans ma personnalité. Pour être épanoui, j’ai besoin de toucher à plein de choses et d’avoir une certaine liberté d’action que je ne retrouvais pas dans les études de médecine. Ce serait mentir de dire que cette décision a été facile à prendre, mais je n’ai jamais eu de regrets.

L’entrepreunariat m’a permis de me sentir épanoui dès le début.
Tu associes l’épanouissement à la création de Monsieur Teresa. Justement, qu’est-ce cela signifie pour toi ? Que signifie le bonheur finalement ?
Ma réponse va paraître un peu clichée, mais c’est la première chose qui me vient en tête ! Je dirais que le bonheur c’est d’avoir le temps d’en perdre ! Je suis père d’une petite fille qui va bientôt avoir 4 mois. Avec ma femme, on n’a pas eu de place en crèche. Je suis probablement l’un des rares papas de France qui a la chance de pouvoir garder son enfant à la maison tout en travaillant. Forcément, je bosse moins, mais je parviens à faire ce que j’ai à faire dans la journée. Je réalise la chance que j’ai de développer cette relation particulière avec elle ; ce qui n’aurait pas été le cas si je n’avais pas fait le choix de l’entrepreneuriat. C’est pour cette raison que j’ai emprunté ce chemin : pour faire ce dont j’ai envie et quand j’en ai envie. C’est une liberté énorme !
Est-ce qu’il existerait un secret pour arriver au bonheur, selon toi ?
Je pense qu’on devrait tous commencer par définir ce qui nous rend heureux. En fonction de chacun, la réponse sera différente, mais elle permettra la mise en application et le chemin vers le bien-être. Pour certains, le bonheur se traduira par avoir beaucoup d’argent, pour d’autres, ce sera d’avoir plus de temps libre ! Soit ! Chacun agit en fonction de sa propre interprétation.
Il y a une question que l’on m’a beaucoup posée, au début de mon aventure, c’est : « Est-ce que ça marche ? ». Je ne sais pas ce que ça veut dire. Quelle définition met-on derrière cette notion ? Est-ce qu’il s’agit d’une valeur financière ? Morale ? Affective ? Je me disais, au début, pour que ça marche il faut gagner de l’argent. Je répondais alors : « ça ne marche pas fort », puis « oui, ça marche. Je fais des millions. ».

Finalement, ma définition d’une entreprise qui fonctionne est simple. C’est une activité qui me permet de payer mes factures à la fin du mois et de donner à manger à ma fille. C’est également et avant tout ce qui me fait me sentir léger à la fin de la journée. Si je n’étais pas en mesure de profiter de mes soirées avec mon épouse et ma fille, ça ne marcherait pas, peu importe le montant du chiffre d’affaires à la fin du mois. Lorsque j’ai réalisé cette nuance, j’ai appréhendé la notion de succès de façon différente.
Aujourd’hui, je sais que je n’ai pas besoin d’être millionnaire pour considérer mon entreprise comme un modèle de réussite. Ma santé mentale est plus importante que l’argent sur mon compte bancaire.
Mon secret de la réussite repose un peu sur le principe du karma : je suis convaincu que si on est généreux, si on envoie de l’énergie positive, ce qu’on reçoit en retour est décuplé. Il ne faut pas avoir peur de donner et surtout au début de l’entrepreneuriat ; bien que ce soit à ce moment-là où il est plus compliqué d’être généreux. Par exemple, j’ai des amis qui se marient bientôt et j’ai passé des jours à leur coudre des nœuds papillon, des lacets, des cravates, des chouchous, pour tout le cortège.
Même si mon objectif n’est pas de recevoir quelque chose en retour, je sais qu’en me mettant dans cette dynamique le retour du boomerang va être positif et d’une façon à laquelle je ne m’attends pas forcément. J’ai personnellement fait cette expérience lors de mon voyage en Amérique. J’ai donné à ce moment-là de mon temps, de mon énergie, de ma personne et c’est quelque chose qui m’a fait grandir humainement, professionnellement et spirituellement.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui participe à ton bonheur au quotidien ?
Avoir du temps pour voir et faire grandir ma fille. Professionnellement, le fait de voir la reconnaissance de la qualité de mon travail me rend heureux. J’ai besoin de savoir que je contribue à quelque chose de bien, de beau et qui va plaire à quelqu’un. Les personnes qui disent merci sont rares, mais je réalise à quel point je trouve ça important. Et en parallèle, je dois aussi apprendre à le dire. J’ai également la chance de pouvoir travailler de mes mains ; c’est définitivement un vrai bonheur ! J’adore me dire que je vis du DIY (Do It Yourself).

J’ai toujours rêvé de travailler de mes mains et de pouvoir en vivre. Je trouve ça incroyable !
Le fait de créer des choses me rend heureux. Ce que j’aime dans la confection d’accessoires de mode est que par essence ce sont des objets « inutiles ». Je ne suis pas là pour changer le monde, mais pour faire plaisir aux gens. Je ne suis pas dans un mode de surconsommation, car tout est fait à la demande. Si mon chouchou ne plaît pas, il ne part pas à la poubelle.
Si tu devais donner un conseil à un entrepreneur qui vivrait un moment de doute, que lui dirais-tu ?
Comme je viens de le dire, la générosité est un point important selon moi ! Je pourrais aussi transmettre un conseil que mon père m’a donné un jour. Il m’a dit : « Je n’ai jamais été jaloux de la réussite des autres, j’en suis plutôt admiratif. ». Je pense que c’est une question d’état d’esprit et de la façon dont tu te positionnes par rapport aux autres et à leurs réussites. L’admiration va nous pousser à nous inspirer des autres, alors que l’envie va nous inciter à les copier. Mon autre conseil est de croire en soi ! On peut tout faire aujourd’hui grâce aux outils mis à notre disposition.
Et enfin, je recommanderais de faire attention à ce que les personnes projettent sur notre parcours. C’est une bonne chose d’écouter les avis, mais c’est important de savoir les trier !
À quoi ressemble un Thibault heureux ?
Il danse sur Niska ! C’est aussi un bord de piscine avec un Spritz ! Finalement, ça se résume à danser sur du Niska avec ma fille dans les bras. Je trouve ça cool parce que ce sont des choses simples !
Merci d’avoir lu cette interview ! N’hésite pas à laisser un commentaire et à la partager si le cœur t’en dit !